Infini

 


L’infini n’est pas le fini en constante expansion, mais le miroir du vide


Le crissement des cigales
Une pomme de pin tombe lourdement
La sève s’écoule lentement
Et puis tout se tait sous le soleil couchant.
La symphonie respire sous un autre tempo
Un silence fait de vide et d’infini.

Le point n’a pas d’espace
Et pourtant l’infini est contenu dans un point
Fini et indéfini à la fois.



La perspective rend l’infini visible en un point
Car tout converge en un point où l'espace se contracte

La mélodie qui s’arrête continue dans le silence
En fait elle ne s’arrête jamais
Elle n’a pas d’origine non plus
Elle se déploie depuis le silence
Et dans le silence
Car elle est ondulatoire et partout étendue



Point de non-retour


Basculement ? vers où ? vers quoi ?
Eternel retour vers le même point dans une errance infinie.
Cercle qui tourne sur lui-même
Ni début ni fin



Miroir


Le miroir arrête le regard et rend le monde symétrique
L’arbre est dans le lac
Et devient un point de bifurcation
De même le son se réfléchit sur lui-même
En ondes qui se superposent

et interfèrent sans fin



  

                                              Indéfini infini


                L’indéfini est parfois infini
                Mais l’infini est toujours indéfini
                Il se perd dans la brume




« Le monde est au bout de chaque être, dont aucun n’est son centre mais dont chacun est comme la limite. L’infini est la mesure métaphysique du monde. L’apercevoir doit nous dispenser d’en rechercher une vision ou une représentation, souligne Hegel, puisque l’infini n’est que le corrélat de toute opération de détermination - nous ne déterminons rien que par un passage à la limite. Loin d’être par essence indéterminé, l’infini est la détermination même ! De sorte que s’il n’est pas question de saisir ou de voir l’infini, il ne nous est pas interdit de le comprendre. Il nous est permis de comprendre sans représentation. » Hegel. Science de la logique. I. L'Être
L’infini exprime la sur-essentialité. L’infini absorbe tout. A l’infini, les opposés se rejoignent. Le courbe est droit, le droit est courbe et les parallèles se coupent. L’infini est unité et contient tout. Le monde n’a pas de circonférence mais il est rond.


L’instant

L’instant est comme un point dans la continuité du temps. Insaisissable, sans épaisseur. Le temps n’est pas une croissance indéfinie ni des durées ni des instants. Le temps est l'essence de l'étant, il n'évolue pas.

Le fini

Le fini contient l’infini. La droite de longueur finie contient un nombre incommensurable de points. En fait le nombre de points n’est ni infini ni indéfini il est incommensurable, car le continu ne peut se mesurer comme une suite de points. Il n’y a ni vide ni plein entre deux points. L’infini procède du continu. Le fini enclot le continu qui enferme l'infini.






Marcher vers l’infini n’a pas de sens
Car l’infini n’est pas un but
Marcher c’est simplement marcher dans la continuité des pas
Et entre deux pas - sorte de sauts quantiques discontinus - qu’il y a-t-il ?
Après l’infini qu’il y aurait-il de toutes façons ?





L’infinitésimal


L’infinitésimal se réduit petit à petit à un point : le monde converge en chaque être qu’il contient et qui l’exprime ainsi. De sorte que rien ne peut être compris qu’en continuité avec le monde entier. Le fini ne peut être compris comme tel qu’à l’infini. C’est pourquoi le calcul infinitésimal peut s’étendre au monde fini et le calcul intégral au monde infini.

Le haïku est un poème infinitésimal. Il enregistre un instant éphémère où rien de particulier ne se réalise, ne s'accomplit ni ne s'interrompt. Il tourne l'esprit vers l'absolue tranquillité d'un moment sans limite. Le haïku tourne aussi l’attention vers des états de choses infimes. Le murmure du givre qui fond. Le bruit du pas des abeilles. Le son imperceptible du brouillard. Il s’agit de saisir le monde tel qu’il est, jusque dans ses moindres détails et sensations, ramassés en un seul instant.





Pleine lune
Au fond des collines
Le reflet d’une barque







L’asymptote, la convergence


L’infini longe l’asymptote sans jamais la toucher. Pour Aristote, L'infini ne peut être la qualité d'une chose. Et il n'est pas un nombre non plus. Un nombre est nombrable et peut être compté. L'infini ne le peut. Il est indéterminé et ne peut donc être une quantité.

En fait, l’infini n’existe qu’en « acte », c’est-à-dire à l’issue d’une opération, Il est de l’ordre de la puissance du continu qui actualise un mouvement. Une sorte de limite sans limite, ce que matérialise l’asymptote, un aboutissement potentiel mais jamais réalisé.

L’infini est une simple expression qui traduit une continuité. Pour Leibniz, il faut comprendre l’infini comme une opération et non comme une réalité, une somme infinie d’infinitésimaux converge vers un nombre fini. Le fini se déduit donc de l’infini, plus exactement de l’infiniment petit.

La discontinuité quantique


Que devient le continu à l’échelle atomique ? Particules, photons, sont à la fois des ondes – continues – et des éléments discrets - discontinus. Pas de continuité donc dans le changement relatif des phénomènes qui a bien lieu, au niveau le plus fin, par sauts ; par quanta. La relation d’incertitude d’Heisenberg traduit le fait que l’on ne sait rien et que l’on ne peut observer ce qui se passe entre deux « sauts ». Dans le monde quantique discontinu, le continu physique n’est plus qu’une estimation statistique.

Le transfini

Tous les ensembles infinis n'ont pas la même pluralité. Ils ne peuvent donc tous être considérés comme égaux. Un infini peut être plus grand qu'un autre, il est caractérisé par une grandeur transfinie ou puissance, le cardinal, noté No pour l’ensemble des nombres entiers et N1 pour l’ensemble des nombres réels, avec N1 > N0. L’infini est ainsi vu comme un tout, ici la totalité d’un ensemble.

On peut construire des ensembles toujours plus grands (ensemble des parties d’un ensemble par exemple) mais on n’a pas démontré l’intérêt du transfini N2 ni au-delà. Cela signifie qu’il n’existe que deux puissances intéressantes dans la pratique, celle du discret (dénombrable) et celle du continu (non-dénombrable). On montre par ailleurs que l’on peut approcher d’aussi près que l’on veut le continu par une suite d’éléments discrets (théorème de Shannon).


La totalité

Un élément n’a de réalité que dans une totalité même si cette totalité est illimitée. La Totalité ainsi conçue, absorbe toutes les différences en dissolvant toute altérité.

Sous une tout autre perspective, c’est encore ainsi qu’Emmanuel Levinas parle de l’infini dans Totalité et infini. Certes, pour lui, l’infini n’est pas une chose. C’est un surplus d’être par rapport à ce que la pensée découvre des êtres. Par-là, il n’est justement pas une représentation et la conscience ne le connait pas en tant que tel. L’infini ne se dévoile pas en lui-même. Il nous échappe. Il n’est pour nous qu’un illimité, une transcendance du visage d’autrui qui, dans sa présence, sa parole, dans sa nudité, déborde l’idée que nous pouvons nous faire de lui. Ce n’est pas une chose mais un vide. Une rupture de la pensée qui, dans la rencontre des autres, nous interdit de les réduire à la représentation que nous avons d’eux, au caractère que nous leur prêtons. L’infini est ce qui déborde ainsi la simple image de l’Autre il est l’expression même de l’Autre en tant qu’Autre. Il ne le dévoile pas mais l’exprime, jaillit de sa chair par la parole. L’infini marque ainsi la limite à toute appropriation de l’Autre.

De même le sentiment océanique, comme perception d’une totalité perdue dans son infinitude.

L’être englouti

« La même démarche me fait chercher le bruit dans le silence, le mouvement dans l'immobilité, la vie dans l'inanimé, l'infini dans le fini, des formes dans le vide, et moi-même dans l'anonymat. » Joan Miró.

Ainsi l’infini se perd dans l’infini et rejoint le vide dans son miroir comme simple apparence
Le Deux succède au Un qui perd sa singularité,
puis advient la Multitude qui masque à son tour la dualité.



Comme les gouttes d’eau qui se vaporisent

La brume gagne ainsi le fleuve et obscurcit tout
L'infini n'est plus qu'un voile éteint.

La parole comme la musique sortent du silence pour y retourner
Comme d’une toile de fond, infinie ou vide c’est selon


Le crissement des cigales
Une pomme de pin tombe lourdement
La sève s’écoule lentement
Et puis tout se tait sous le soleil couchant.
La symphonie respire sous un autre tempo
Un silence fait de vide et d’infini.

Le vide n'est pas le néant
pas plus que l'infini n'est la totalité