Le renom n’est que le valet du réel. Le sage est simple et ordinaire, il efface sa trace, sa vertu reconnue il n’en tire pas de renom, il ne travaille pas pour le mérite, il ne blâme personne et personne ne le blâme, il est inconnu du monde.
La musique de la terre est formée de sons qui sortent d’une multitude d’orifices, de même que celle de l’homme… mille façons qui n’émanent que de soi-même…
Le saint n’a pas d’opinion. Le saint ne régit pas les hommes, il s’amende d’abord. Il perfectionne ses dons, il délaisse tout préjugé, il ne se sert de son esprit que comme d’un miroir, il n’éconduit ni n’accueille personne, il répond aux autres avec sincérité. Il retrouve sa simplicité, il conquiert son indépendance. Il observe le non-agir par lequel les hommes, sur son exemple, s’améliorent d’eux-mêmes. Silence et impartialité. Il ne va jamais à l’encontre de la nature des êtres. Il n’est pas troublé par la mort puisqu’il revient dans l’unité d’où il procède.
Soi-même est aussi l’autre. L’autre est aussi soi-même. Ta vie n’est pas à toi, elle n’est que le produit du Ciel et de la Terre qui t’est remis. De même pour tes enfants et tes petits-enfants, ils ne t’appartiennent pas. Tu ne possèdes rien.
Tout être n’a ni achèvement ni destruction, car il procède et se résorbe finalement dans l’unité originelle. L’être et le néant existent-ils vraiment ?
L’univers n’est qu’une idée… voire une représentation. Le moi est-il plus qu’un sentiment ? Comment connaître ce qui est vraiment moi ? Est-ce moi ? Suis-je éveillé ou dormeur rêvant ? Quelle est la différence entre le rêve et la réalité ?
Le Tao n’a pas de nom, le discours suprême ne parle pas. Tout ce que l’on peut dire est incomplet.
Il n’y a pas de distinction entre le bien et le mal, la bonté et la justice n’ont pas de sens. Tous les êtres se valent en noblesse et en bassesse.
Accepter et aimer ce contre quoi l’on ne peut rien : sagesse mais au-delà sainteté. Quelle que soit la situation nous devons en être satisfaits. S’accommoder de toute perte et de tout changement. S’accommoder des choses et les épouser voilà le Tao.
Quelle est notre mission ? S’adapter et se perpétuer. Affabilité sans soumission, paix sans ostentation. Diriger les autres c’est d’abord se rectifier soi-même.
L’utilité de l’arbre crée son malheur. Chercher l’utilité de l’inutile. Répondre à la force par la faiblesse, à toute valeur par son contraire. La souplesse et la faiblesse l’emportent sur la dureté et la force.
Faire oublier au monde sa propre perfection (imperfection). Oublier la justice et la bonté. Oublier le bien et le mal. Tout cela n’est qu’orgueil. Ton intelligence te tourmente.
Impermanence de toute valeur et de toute tradition. Gouverner le monde c’est seulement écarter le malheur, mais surtout pas le changer.
Qui n’a ni sérénité ni plaisir ne conserve pas sa vertu. Prolonger la vie, satisfaire le corps et réjouir l’esprit. Seule la paix intérieure procure le bonheur.
Il n’y a pas de vrai chemin. Atteins un grand âge. Le détachement, le silence, le vide et le non-agir constituent l’équilibre de l’univers et la substance de la vertu. Ne farde pas ton intelligence avec des discours.
Si l’enlèvement des biens provisoires détruit le bonheur, c’est que celui-ci était vain. L’ambition use l’esprit de l’homme.
La parole ne peut exprimer que le « gros » des choses. Le reste est dans le domaine des idées. L’indicible c’est le Tao.
Connaître le Tao ? Pour cela il ne faut pas y penser, ni adopter aucune position, ni s’appliquer à rien, ni partir de rien, ni suivre aucun chemin. Tu es en chemin mais le but n’importe pas. Seule la perte du Tao peut se remarquer.
Tout procède de l’Un. A partir de l’Un toutes les formes de vie se transforment et se diversifient et retournent dans l’Un. Y puisent leur énergie, leur force de vie. Je suis uni à toi et par cette union, je conjugue mon énergie à la tienne, et je retrouve l’Un, en étant union.
L’hymne de l’Un c’est l’amour. L’union est une vibration dans l’Un, car l’Un est la vibration primordiale avant que le monde ne soit monde. Nous nous nourrissons de l’Un comme il se nourrit de nous. Il se nourrit de notre union. L’union est amour. Par notre amour l’être de l’Un devient étant.
L’univers n’est ni bon ni mauvais. Il fonctionne selon des
règles immanentes non-humaines et évidemment incontournables. L’homme n’est
donc pas plongé dans un monde moral, il n’est pas lui-même moral ou immoral,
tout est amoral en lui comme autour de lui. Les événements et les structures
résultent d’une émergence complexe. Il s’agit donc d’aller dans le sens naturel
contre lequel il ne servirait à rien de s’opposer, de suivre le cours des
événements (aller dans le sens du courant, ne pas ramer à contre-sens au risque
de se fatiguer puis de se noyer). Il s’agit de se préserver et de garder sa
vitalité. Exclure toute violence ou agressivité, privilégier les valeurs féminines
(l’eau qui épouse le lit de la rivière mais qui finit par l’apprivoiser), ne
pas imposer son « moi ». Le Tao prône la spontanéité c’est-à-dire la
prise de décision par l’intuition plus que par une connaissance raisonnée,
c’est le non-agir (qui signifie ne pas s’opposer et non pas ne pas agir). Il
s’agit d’aller à l’encontre des habitudes intellectuelles conventionnelles en
examinant la chose et son contraire en privilégiant le faible au fort, le
non-agir à l’agir, le féminin au masculin, le dessous au dessus, etc. et de
rechercher dans la chose le germe de son contraire Dans ces conditions il faut
relativiser la puissance du langage et ne pas tomber dans les pièges de la
logique et de la pensée. Le langage est seulement un outil.
On aboutit à une sorte de stoïcisme constructiviste, c’est la voie
du centre, être à l’écoute des émergences et se centrer sur elles. Trouver sa
propre « centralité », aller au cœur des choses et de soi, fusionner
avec le Dao, maîtriser le qi (souffle de vie). Le Tao est la Voie.