Démocratie participative


Vers des outils participatifs


Comité Citoyen de Brié-et-Angonnes (38320)
Expérience initiée en février 2016



Note introductive : cet article est issu d'une expérience de terrain en démocratie participative. Devant la difficulté à réunir des participants motivés que tous les conseils informels connaissent, nous discutons de quelques outils informatiques pouvant être mis en œuvre pour faciliter les échanges et la participation.
La démocratie participative
La démocratie participative possède intrinsèquement un caractère expérimental, puisqu’elle se saisit dans un entre-deux entre la démocratie dite représentative, basée sur le simple fait électif et la démocratie directe visant l’approbation du plus grand nombre. En fait, la démocratie participative rassemble tous les instruments qui permettent de renforcer une délibération collective sur une politique publique ciblée. L’action publique ainsi envisagée se concrétise après un processus de concertation entre le public, les experts et les politiques. Si la démocratie participative devient de nos jours un label recherché, c’est avant tout parce qu’elle permet d’atténuer la coupure entre gouvernants et gouvernés et qu’elle offre des moyens originaux d’intéresser les citoyens à la politique grâce à leur intervention ponctuelle. Elle regroupe des instruments tels que les conseils de quartier, les conseils consultatifs en tout genre (comité citoyen, conseil des sages, conseil des aînés), les budgets participatifs, les comités d’usager, les jurys citoyens, les référendums d’initiative populaire, les conférences de consensus. Tous ces instruments possèdent un terrain d’application local (sauf les conférences de consensus qui sont souvent transversales et se conçoivent sur un territoire plus large) visant à regrouper un public concerné par une politique publique spécifique à mettre en œuvre. L’objectif est d’éveiller une opinion critique de ce public susceptible d’évaluer les enjeux concrets et les conséquences de ladite politique publique. C’est donc dans une optique également évaluative de l’action publique que la démocratie participative est convoquée.

Nos sociétés contemporaines sont confrontées à la fois à la défiance et au silence des catégories populaires qui, pour certaines, ont renoncé à s’exprimer, tandis que d’autres se réfugient dans les extrêmes. La démocratie représentative trouve ainsi ses limites auprès de ces populations et l’on serait tenté de l’amender par une part de démocratie participative. La fracture, aujourd’hui, se situe entre diplômés et non-diplômés plus que dans des luttes de classe, ce qui se traduit sur le terrain par une répartition géopolitique en « quartiers » ou zones rurales/urbaines. Pour les premiers, intégrés politiquement et socialement, la participation est normale et devient même une exigence ; pour les seconds, elle présente un coût élevé, symbolique et matériel. Il n’est pas facile de donner son avis quand on a des horaires décalés ou qu’on a le sentiment de ne pas avoir de place dans la société ou que l’on n’a pas accès à des sources d’information de qualité.

La démocratie participative ne fait pas toujours mieux que la démocratie représentative, sauf dans le cadre d’expériences où l’on se donne les moyens d’aller chercher les citoyens motivés ou tirés au sort (L. Blondiaux, 2005). On peut penser par exemple aux initiatives de l’architecte Patrick Bouchain (2006) pour associer très en amont les habitants à des projets de rénovation urbaine, avec des dispositifs inclusifs sur le bâti, l’architecture. Ou aux démarches inspirées du community organizing américain, qui partent des besoins, des ressentis des habitants, sans vouloir débattre a priori d’enjeux qui ne les concernent pas. Ou plus récemment la convention citoyenne sur le climat.

Ces expériences encourageantes peuvent produire une spirale vertueuse et créer de l’inclusion, autant que renouveler la démocratie représentative qui ne fait plus recette.

En fait, la démocratie participative est un concept « flou ». Mais c’est ce qui en fait un concept « fort ». En effet, il rassemble plusieurs exigences contemporaines qui obligent à enrichir les formes de la démocratie :
  • il affirme la compétence du citoyen ordinaire, même sur des sujets difficiles, pourvu qu’il soit bien informé ; la simple formation ne suffit pas, il faut pouvoir « entrer » dans des dossiers ;
  • il affirme son implication dans la vie collective, pourvu qu’il soit certain que son avis sera pris en compte ;
  • il permet de renforcer l’efficacité des décisions des élus et la légitimité des services publics ;
  • il concourt au sentiment de l’intérêt général ;
  • il permet l’émergence d’acteurs nouveaux, jusque-là exclus de la délibération.
La démocratie participative est une forme d’exercice du pouvoir qui vise à faire participer les habitants du territoire aux décisions politiques. Elle a d’abord été utilisée dans les projets d’aménagement du territoire et d’urbanisme, mais elle s’étend maintenant à des sujets comme l’environnement, l'urbanisme ou les projets de société. « Mais la participation citoyenne invite à sortir du mythe de l’intérêt général à la française qui serait toujours du côté des institutions et à le repenser comme une construction collective d'un processus dans lequel on n’a pas affaire à un seul intérêt général, mais à de multiples définitions de l’intérêt général qui se confrontent pour aboutir à un intérêt général reconnu par chacun », souligne Loïc Blondiaux.
Ce que l’on appelle « débat citoyen » va de la simple information à la codécision, en passant par la consultation sur un projet en cours de conception et par la concertation sur un projet en construction.

La démocratie participative peut prendre plusieurs formes, selon le degré d’implication des citoyens.
  • La consultation vise à recueillir l’avis des citoyens, mais n’implique pas forcément de le prendre en compte. Elle aide les élus à se positionner sur un sujet. La concertation implique une participation des habitants en amont du projet, avec des phases de débat public et une transparence plus grande. Le pouvoir décisionnel reste toutefois exclusivement dans les mains de l’autorité publique. Il existe différentes formes de concertation, qui impliquent une association plus ou moins grande de la population : la concertation de communication (qui a pour but de communiquer auprès de la population), la concertation légale (lorsqu’elle est obligatoire), la concertation structurelle (qui met en place une structure dédiée, tels que les conseils de quartier), la concertation d’engagement (où le dialogue participatif est mis en place par certains élus dès le début de leur mandat), la concertation de construction (lors de l’association de la population sur la construction d’un projet précis), la concertation d’attente (dans les cas de report de projet par exemple).
  • La co-élaboration relève d’un niveau de démocratie participative plus avancé. Les citoyens élaborent des projets avec l’autorité publique, et celle-ci doit se justifier si elle ne suit pas les conclusions des débats ou conférences citoyennes.
Mais dans tous les cas :
  • La participation passe par une bonne formation,
  • Une bonne information,
  • Une bonne organisation des débats,
  • Un suivi des résultats.


La demande

La demande en matière de démocratie participative peut être regroupée dans les quatre rubriques suivantes :

1. Formation
Aux débats en ligne (vidéos, analyses)
Aux règlements des institutions, procédures
A l’expertises de dossiers : méthodes, exemples, sources
A l’argumentation

2. Aides au montage de dossier
Collecte des informations, règlements
Outils de rédaction collective
Gestion des versions

3. Aides à la délibération
Systèmes de vote
Mécanismes d’amendements
Questions en ligne pendant les délibérations

4. Aides au débat/concertation
Forums avec modérateur
Visio-conférence pour groupes de travail (ce point a été particulièrement crucial pendant le confinement du COVID-19)

5. Organisation d’ateliers
En présentiel, avec animateur et support informatique (cartes, informations, textes, etc.)
En ligne avec animateur réel ou virtuel

Il s’agit par-là de mettre en œuvre surtout des outils permettant d’approfondir des dossiers, de les discuter et de débattre de solutions à la manière des « experts » sans être toutefois un expert. Ce niveau d'expertise est néanmoins requis pour être crédible vis-à-vis des élus qui auront tôt fait de brandir une impossibilité technique ou financière face au projet proposé. Cela nous paraît être une première condition pour une meilleure écoute par les pouvoirs publics et une réelle participation. Une deuxième condition est que le citoyen dépasse ses propres intérêts. Pour cela il doit être bien informé et disposer de toutes les données nécessaires à sa réflexion.

Participer signifie donc : travailler sur un dossier de manière collaborative, disposer des arguments pour débattre et défendre le dossier, rédiger un rapport et le soumettre au décideur final.

Dans ces conditions, un outil « idéal » pourrait être une « plateforme de travail collaboratif citoyen » conçue pour les citoyens, gérée par les citoyens, facilement configurable et contenant tout ou partie des requis ci-dessus. La portée de cette plateforme doit rester locale et être vue comme un ensemble d’outils mis à la disposition de groupes de travail. Une telle plateforme devrait également être modérée pour éviter toute dérive dans les débats comme dans la prolifération de fausses données.


L'offre

Il existe des plateformes de participation citoyenne qui favorisent le dialogue entre citoyens et décideurs publics. Elles accompagnent généralement les acteurs du territoire dans leur volonté de mettre la participation au cœur de leur stratégie territoriale. Il existe plusieurs plateformes de ce type que nous n’allons pas comparer entre elles. Nous avons choisi Fluicity car elle a été primée par le MIT [1]. « Cette plateforme vise à mettre en application la démocratie participative à l'échelle locale. Elle permet aux maires et aux citoyens de dialoguer ensemble, instantanément sur les sujets qui les concernent. » nous dit l’annonceur.

On y trouve des interfaces pour l’accès citoyen et pour l’accès administrateur.
  • L’interface « citoyen »
  • L’interface « institution »
Les fonctions de la plateforme sont essentiellement :
  • Messagerie privée entre les citoyens et leur administration pour une relation de confiance rétablie. Tous les messages sont géolocalisés et en format multimédia.
  • Idées citoyennes : chaque citoyen contribue à l’amélioration de son territoire au travers d’idées publiques, votables et débattables avec la communauté.
  • Projets participatifs : soumis à la concertation des citoyens, ces projets cadrent la participation.
  • Budgets participatifs : une brique indispensable pour concrétiser les idées les plus plébiscitées par les citoyens. Une fois le budget alloué et les étapes définies, les citoyens pourront voter et s’approprier les projets du territoire.
  • Actualités et événements : le fil d’actualité est alimenté en continu par les élus et les « contributeurs » agréés (conseils de quartier, associations, commerçants locaux, etc.).
  • Sondages sécurisés pour mieux comprendre les attentes et les besoins des citoyens (par exemple : enquêtes de satisfaction, complément d’une concertation, référendums locaux, etc.).
Comme on le voit aisément, cette plateforme fonctionne dans un sens institution-citoyen comme la plupart des plateformes actuelles. Elle ne répond que très partiellement aux besoins de la démocratie participative qui doit fonctionner dans les deux sens et surtout entre les citoyens eux-mêmes.

Pour résumer


Avantages de la démocratie participative
  • Légitimité accrue : Lorsque les citoyens sont impliqués directement, les décisions tendent à être perçues comme plus légitimes et représentatives des besoins réels.
  • Engagement civique : Elle encourage un engagement plus fort des citoyens dans la vie publique, renforçant le lien entre les gouvernés et les gouvernants.
  • Amélioration des décisions : La délibération permet souvent de prendre des décisions plus réfléchies, en prenant en compte une diversité de points de vue.
Limites et critiques
  • Complexité et lourdeur : Impliquer directement les citoyens dans chaque décision peut être inefficace et compliqué, surtout pour les grandes collectivités.
  • Représentativité : Tous les citoyens ne participent pas toujours de manière égale, créant parfois des biais en faveur de groupes plus organisés ou plus vocaux.
  • Expertise : Certaines décisions nécessitent une expertise technique que les citoyens ordinaires ne possèdent pas toujours, ce qui peut conduire à des choix mal informés.
La démocratie participative vise à compléter (ou remplacer) la démocratie représentative en donnant plus de pouvoir et de responsabilité aux citoyens. Elle permet une plus grande transparence et une meilleure inclusion des différents acteurs sociaux, mais elle doit surmonter des défis logistiques et techniques pour être pleinement efficace et équitable. C'est ce dernier point que nous avons cherché à approfondir dans ce texte.

Conclusion

Il n’existe pas à l’heure actuelle de plateforme informatisée participative de citoyens pour des citoyens. Ce niveau manque cruellement à ce jour car l'offre institutionnelle ne remplit pas la demande des citoyens de s'impliquer davantage dans la décision publique en s'organisant efficacement entre eux.

Il serait préférable d'ouvrir la démocratie participative à tous plutôt que de créer des conventions de citoyens tirés au sort. Cela ne peut se faire qu'en organisant des réseaux sociaux de citoyens, avec tous les outils de communication maintenant disponibles.


[1] Massachusetts Institute of Technologyhttps://get.flui.city/plateforme/